Ca y est, les éditeurs manga sont enfin partis en vacances, laissant ainsi le temps à nous, lecteurs exsangues, de découvrir les nouveautés dévoilées lors de la Japan Expo. C'est donc après avoir réingurgité les 42 tomes de Dragon Ball, qu'est venu le temps de jauger tout cela, en y ajoutant des séries un peu plus anciennes découvertes lors du salon...
Magical girl site (1 tome sorti, 3 tomes en cours au Japon)
Akata, agréablement surpris par le succès critique et public (mérité) de Magical girl of the end, continue sur sa lancée en poursuivant sa collaboration avec Kentarô Satô en publiant son autre série qui, comme son nom l'indique, surfe une nouvelle fois sur la vague des magiciennes en culotte courte. Et là encore, l'auteur s'amuse à détourner cette figure populaire en la mixant avec un thème régulièrement évoqué, l'ijime, c'est à dire la maltraitance en milieu scolaire. C'est malheureusement le lot commun de notre héroïne, coincée entre une bande de filles qui l'a prise pour cible, et un grand frère qui s'en sert de défouloir. Jusqu'au jour où apparaît sur son écran un site qui lui annonce qu'elle a été choisie pour obtenir une baguette magique... en forme de flingue! De quelle manière va t'elle s'en servir? Est-elle la seule à bénéficier de cette faculté? Que se cache t'il derrière ce mystérieux site? Bien des questions qui appellent des réponses pour un premier volume au rythme soutenu, mais qui fait moins forte impression que l'autre magical série, la faute à une partie technique moins chiadée. Pas de quoi clouer la série au pilori, mais quand on a goûté à l'excellence, l'exigence monte d'un cran. Affaire à suivre...
Lesson of the Evil (2 tomes sortis, série terminée en 9 tomes au Japon)
Un prof qui se plie en quatre en utilisant tous les moyens pour défendre ses élèves: ça vous rappelle quelque chose? Oui mais....non. Pas d'Onizuka à l'horizon, mais un jeune et charismatique professeur d'Anglais qui cherche à tout prix à s'attirer les bonnes grâçes de ses élèves face à des confrères loins d'être de tout reproche. Sa méthode: manipulation, tractation, intimidation, tout est bon si le résultat est au bout! Cette manière de faire pourrait se justifier si les intentions du preux chevalier n'étaient pas aussi floues... Un malaise qui transpire à la lecture, installe une atmosphère pesante voire dérangeante, happant littéralement le lecteur malgré un début un brin bavard. Au rayon points noirs, on pourra regretter des personnages par trop stéréotypés et quelque effets graphiques dispensables, mais dans l'ensemble, voilà un seinen au suspens suffisamment bien mené pour y jeter plus qu'un rapide coup d'oeil!
Secret (1 tome paru, série terminée en 3 tomes au Japon)
Voici le 3eme et dernier volet de la trilogie de Yoshiki Tonogaï, la cash-machine de Ki-oon. Enormes succès malgré leurs imperfections, Doubt et Judge, graçe à un huis-clos habilement géré, installaient immédiatement un climat de tension où l'auteur agitait ses personnages comme des marionnettes pour multiplier fausses pistes et rebondissements. Tonogaï bouleverse totalement son schéma pour Secret, puisqu'ici plus question de salle close: les six lycéens au coeur de l'intrigue viennent de subir un traumatisme profond suite à un accident de bus ayant entraîné la mort de leurs petits camarades. C'est dans ce contexte que le psychologue qui les avait en charge leur lance un ultimatum: ayant la preuve que trois d'entre eux sont des meurtriers, il leur laisse une semaine pour se repentir avantd'être dénoncés aux autorités... Et là, je dis NON! Comment peux t'on essayer de nous faire gober qu'un adulte, psy de surcroît, pourrait laisser trainer une situation aussi glauque, juste pour un repentir? Faut pas déconner... De plus, faute d'unité de lieu, pas de jeu psychologique, d'alliances fragiles ou de petites trahisons: le lecteur reste totalement spectateur, à attendre docilement de découvrir qui sont les petits cachottiers... Un secret story qui n'aurait de sens que si on s'attachait aux protagonistes, mais ces derniers manquent clairement de substance, un défaut récurrent chez cet auteur. Vouloir changer sa recette était louable de la part de Tonogaî, encore faut-il maîtriser tous les ingrédients....
Rising sun (4 tomes parus, 8 tomes en cours au Japon)
Engagez vous, qu'ils disaient, engagez vous... C'est ce que s'apprête à faire Ikki, lycéen tête brûlée en pleine impasse scolaire faute d'idéal, après avoir rencontré un militaire chevronné en plein entraînement "spécial" au fond des bois. Mais cet exalté va vite se rendre compte que c'est bien beau de vouloir s'engager, mais la réalité des exigences militaires va vite le rattraper... Ce titre peut se voir de deux manières, selon que l'on soit antimilitariste ou non: soit une plongée optimiste dans l'univers des forces japonaises d'autodéfense et son mode de fonctionnement où les valeurs de fraternité, de dépassement de soi et d'esprit de corps peuvent donner sens à une vie, soit une vision caricaturale, parcellaire et propagandiste de l'univers militaire pour mieux orienter de jeunes lecteurs avides de sensations fortes. Pour ma part, je navigue entre ces deux points de vue, agacé par un héros franchement bas du front et un enchainement de situations plus proches du shonen que du seinen. La partie graphique est assez quelconque mais l'auteur gère bien sa narration, ce qui rend la lecture agréable et fluide. Au final, un titre dont je suis curieux de voir si il s'affranchira de son optimisme béat concernant la chose militaire, mais rien n'est moins sûr...
Ajin (1 tome paru, 6 tomes en cours au Japon)
La voici, la voilà, cette grosse licence seinen sur laquelle Glénat fonde de gros espoirs, suite au succès immédiat que ce titre a rencontré au pays du Soleil Levant. Et après avoir refermé ce premier tome, force est de constater que tous les ingrédients sont là pour qu'Ajin trouve un large public: graphiquement accrocheur avec ses perspectives cinématographiques et ses personnages immédiatement marquants, c'est par son scénario que l'auteur nous accroche définitivement: l'humanité a découvert des êtres exceptionnels car immortels, les Ajins. Ces derniers sont bien évidemment convoités par toutes sortes d'entités qui n'hésitent à mettre leur tête à prix. Loin de toutes ces considérations, Kei va malencontreusement découvrir qu'il en est un, suite à un accident. S'en suit une course poursuite pour lui, bien décidé à comprendre ce qui lui arrive et à découvrir quel est cet étrange personnage à bandelettes qui le suit pas à pas... Mené tambour battant, ce tome d'introduction dévoile déjà pas mal d'informations tout en cachant bien son jeu, et tout indique que l'auteur en a sous la pédale pour la suite de son thriller fantastique. Des débuts prometteurs donc qui, je l'espère, ne seront pas gâchés par un rythme de parution assez lent au Japon. Vite, la suite!
Jaco the galactic patrolman (One-shot)
Méfiez vous des macarons... Orné d'un sticker rouge assez inésthétique presentant ce titre comme les origines de Dragon ball, ne vous attendez pas à des batailles dantestques entre Sayiëns, vous seriez déçu! Cette mise au point faite, que dire de ce supposé tome 0? Que c'est tout bon, pardi! Toriyama joue la carte de l'humour bon enfant en nous narrant l'arrivée sur Terre du bien-nommé Jaco, patrouilleur galactique de son état et censé préserver notre planète de l'arrivée prochaine d'une grande menace. Sauf qu'après avoir malencontreusement heurté la lune, ce gaffeur un tantinet vaniteux atterrit sur une île quasi-deserte où habite un vieux scientifique misanthrope. Pendant que ce dernier essaiera de réparer l'engin volant, notre patrouilleur va découvrir la vie sur Terre, non sans multiplier les impairs... Loufoque, porté par ce personnage tour à tour colérique, complexé par sa petite taille, poseur et finalement attachant, Jaco reste une lecture très agréable même si on ne s'intéresse que très peu à Dragon Ball, tout en apportant suffisamment d'infos pour contenter les fans de Goku. Un vrai retour aux sources, synonyme de bain de jouvence pour un Toriyama en totale maitrise. Respect, tout simplement!
Yako et poko (1 tome paru, idem pour le Japon)
Après Minuscule, Komikku continue d'exploiter la veine "tranche-de-vie/kawaï" avec ce josei doux et tendre. Yoko est ici une mangaka discrète et sérieuse, affublée de son chat-robot Poko pour l'assister dans son travail. Imparfait mais profondément attaché à Yoko, il va, sans le savoir, faire remonter des souvenirs à la surface à celle-ci en ramenant un stylo rare censé apporter le bonheur. Va alors se déclencher une quête "styloistique" au gré des rencontres pour ce couple étrangement assorti, dans un monde lui aussi étrange, où la robotique est ultra-développée contrairement à l'informatique, entre autres bizarreries. Ces décalages, ajoutés à un graphisme mignon et tout en rondeur, font de ce titre un OVNI touchant et humain, qu'il serait bon de feuilleter pour mieux se rappeler que c'est dans les petits riens du quotidien que l'on construit son propre bonheur.
Last hero Inuyashiki (1 tome à paraître en septembre, 4 tomes en cours au Japon)
Présentée en avant-première dans une édition exclusive lors de la dernière Japan Expo, la nouvelle série du papa de Gantz se veut être un croisement entre Breaking Bad et les super-héros Marvel, le tout sur fond de critique sociale du Japon actuel, un thème omniprésent dans l'oeuvre d'Hiroya Oku. Car c'est peu dire que Inuyashiki n'a pas grand chose pour plaire de prime abord: usé par sa vie de salary men sans saveur, dénigré par les membres de sa famille tous plus ingrats que les autres, il apprend que ses jours sont comptés, la faute à un cancer! Au bord du désespoir, il voit son destin basculer quand un OVNI le percute violemment. A son réveil, il se rend très vite compte que son corps n'a plus rien d'humain et qu'il cache en lui une force de frappe insoupçonnée, sans trop savoir ce qu'il va pouvoir faire de tout cela... "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités": la maxime mythique de Spiderman s'applique ici parfaitement, avec un aperçu rapide (et effrayant) des capacités de notre héros malgré lui, au conséquences incalculables si cela tombait entre de mauvaises mains...Et ce n'est pas la présence d'une autre personne sur le lieu du crash qui est faite pour nous rassurer! Si l'on devine rapidement les différentes inspirations du mangaka pour son nouveau titre, ce tome d'introduction est suffisamment accrocheur pour voir où tout cela va nous mener...
Dilemma (1 tome paru, 8 tomes en cours au Japon)
Qui n'a pas souhaité,de manière passagère, la mort de quelqu'un sous l'effet de la colère ou du stress? Que se passerait il si un Dieu réalisait ce souhait? C'est le drame que subit Yuzuru, un solitaire endurci, quand ce dernier arrive dans sa nouvelle classe et constate horrifié que ses "futurs" camarades sont tous décédés. Horrifié, il l'est d'autant plus quand une apprenti-déesse lui apprend que c'est lui qui est à l'origine de ce massacre, la faute à une prière supposée sans conséquence! Pour couronner le tout, elle va lui proposer tout une série de défis ayant pour conclusion la réanimation ou la mort définitive des victimes: un choix plus que cornélien, surtout quand on ne connait rien des personnes concernées et que la déesse ne joue pas totalement franc-jeu...A contre-courant des survival actuels, Dilemma démontre à quel point prendre des décisions n'a rien d'évident quand l'enjeu est de taille. Mais à vouloir inverser ainsi le rapport de forces, on se retrouve avec des personnages trop peu travaillés en amont pour avoir une quelconque empathie pour leur sort, pour le moment du moins... Un bon début, mais qui demande confirmation.
Gigantomachia (One-shot)
Kentaro Miura, a.k.a Mr Berserk, a.k.a THE seinen, s'octroie de temps à autres de petites pauses pour souffler un peu et, à l'occasion, réaliser des histoires courtes. Pas folichonnes, mais comme c'est Miura, on pardonne plus facilement...Pour Gigantomachia, c'est pareil: dans un monde dévasté par une catastrophe naturelle, l'Empire opprime toute forme de vie à l'aide des Géants mythologiques réapparus sans crier gare. C'est dans ce contexte qu'on suit le périple de 2 voyageurs, un Esprit à l'apparence juvénile, et son acolyte guerrier au grand coeur, qui vont croiser la route d'un peuple d'Hommes scarabées. Après une entame musclée, ces derniers vont leur ouvrir les portes de leur sanctuaire, convoité par l'Empire...Tout ceci nous donne un récit pas désagréable, malgré une construction malhabile (passer plus de vingt pages sur un combat, c'est bien, finir son récit dans la précipitation, beaucoup moins). Autre point noir, le symbolisme sexuel entretenu entre les 2 personnages principaux est un tantinet lourd voire malsain (une jeune fille qui soulève sa robe pour libérer son nectar guérisseur, hum...). Par contre, graphiquement, ça en jette, l'auteur nous en met plein les yeux sans jamais briser la fluidité de la lecture. Au final, on obtient un titre qui aurait mérité plus de chapitres pour répondre aux nombreuses questions restées sans réponse, et qui reste donc au stade de lecture pop-corn, en attendant le prochain tome des aventures de Guts...
Katsuraakira (One-shot)
Né de la collaboration entre 2 des plus grands mangakas modernes, ce recueil, au lieu d'être le feu d'artifice annoncé, accouche de 2 histoires qui, sans être totalement déplaisantes, n'ont rien de franchement transcendant. Toutes deux dessinées par Katsura et scénarisées par Toriyama, elles donnent plus l'impression d'un gros délire entre 2 amis de 20 ans que d'une oeuvre construite pour tirer le meilleur de ces 2 monstres sacrés. Pourquoi pas, mais à 11 euros le trip, ça casse un peu l'ambiance... Qui plus est, les 2 histoires ne sont pas de niveau égal. La première, avec sa gamine apprenti-ninja engagée par des poulpes extra-terrestres pour se débarrasser de bandits lookés comme le Joker, se veut drôle et décalée sans y parvenir totalement. Au contraire de la seconde, plus étoffée et mieux construite autour de Jiya, un patrouilleur galactique débarquant sur Terre pour retrouver un de ses confrères disparus, qui croisera la route d'une pimbêche et de son souffre-douleur de chauffeur. Ce trio improbable va vite se retrouver confronté à un vampire millénaire belliqueux aux commandes d'une horde de puces géantes extra-terrestres... Rien de révolutionnaire, mais ça se lit vite et bien comme une bonne série B. Un terme qui convient bien au final à ce recueil dont on pouvait légitimement espérer bien plus...